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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/142

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

point d’argent doivent obéir à ceux qui en ont. Voilà donc un troupeau d’esclaves, et Plutus les mène au fouet ; mais il n’y a point de fouet. Allons au détail, nous voyons que chacun des esclaves change aisément de maître, selon que l’humeur le conseille ; cette seule idée adoucit l’humeur, et donne patience aussi bien à l’un qu’à l’autre. Sans compter que les travailleurs, pris en masse, ont des moyens irrésistibles de prélever sur les profits, dès que l’heureuse paix dure quelque temps ; tout conspire alors contre le maître ; c’est pourquoi cet état de paix se définit par ce que le maître n’aime point, à savoir une police moins hardie et moins tracassière, des pouvoirs mieux contrôlés, une armée moins nombreuse, la liberté enfin de s’assembler, de parler, d’écrire. Maintenant, comment l’état de guerre, ou seulement la menace de guerre, affermit les pouvoirs, enfle les profits, ajourne les revendications, enhardit la police, c’est ce que nous avons pu voir. L’esprit le plus obtus, s’il ne comprend les causes, éprouve du moins les effets. D’où ce puissant instinct qui pousse les Grands Bourgeois à accepter la guerre, à ne jamais chicaner sur les occasions ni sur les moyens de guerre, enfin à y jeter leurs fils. Les femmes oisives, brillantes et parées, ne s’y trompent point ; chacun a observé de ces visages inflexibles. C’est qu’il faut renoncer au pouvoir, ou le payer ce qu’il coûte ; elles n’hésitent point.

L’avare serait pacifique car il risque beaucoup aux guerres ; et l’avare n’est pas le même homme que l’ambitieux c’est pourquoi je ne dirais pas que le Capitalisme est la cause des guerres ; cela est abstrait. J’aimerais mieux dire que les guerres aggravent,

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