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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/189

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VIOLENCE INUTILE

De même il me plaît de découvrir en ce monde politique où chacun décrète, préfère, choisit, improvise en idée, il me plaît de découvrir une nature économique qui nourrit tout et porte tout suivant des lois inflexibles. Voilà une limite pour le tyran, un appui pour l’action, un fer à forger. Sans métaphore, j’y retrouve la terre, si belle à contempler en ses invariables saisons.

« Les ouvriers ne sont point la majoritéRENDRE LIBRE
LE COMMERCE DU TRAVAIL.

« Les ouvriers ne sont point la majorité ; l’opinion est contre eux. » Ainsi parlait un homme obèse, qui s’en allait à la chasse avec son valet, ses deux fusils et son pliant. Il est bon de voyager, afin d’entendre les opinions de cette espèce d’hommes. J’admirai comme ingénûment cet important seigneur invoquait le nombre contre le droit. Avouez qu’après quatre ans de tyrannie, exercée au nom du peuple contre tous les droits des citoyens, après que la liberté d’opinion fût poursuivie et punie comme un crime, sans autre effet qu’un redoublement de respect et de silence, il est dur de négocier avec des tisseurs qui se jugent trop peu payés. Passe encore si la masse des sujets, la guerre finie, avait revendiqué ses droits ; mais on voit qu’ils se contentent encore maintenant de cette parcelle de pouvoir absolu qu’ils paient de la servitude. Le salut du peuple, aujourd’hui comme hier, est la suprême loi. Qui empêche qu’on limite les salaires, puisqu’on s’arroge le droit de limiter le prix du bœuf ?

Je ne sais si, dans cette masse de chair, le raisonnement allait jusque-là. La même cause, heureux et

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