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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/20

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INTRODUCTION

aime la musique, la lecture, les voyages ou n’importe quoi, excepté la bassesse. »

Au reste, quoique le mot de tyrannie reste encore plus vivant que bien des chefs n’aiment à le croire, tout pouvoir tend aujourd’hui à se confirmer selon le modèle des ingénieurs :

« Ferrero explique que l’exécutif a moins d’autorité qu’autrefois, mais en revanche bien plus de puissance qu’il n’en eut jamais. L’idée est belle à développer. Peut-être faudrait-il dire que ce paradoxe de politique est l’effet de l’obéissance sans vénération ; car il est clair que la vénération laisse une sorte de droit, comme on remarque dans l’état ecclésiastique, où la génuflexion, qui va de soi, ne supprime ni l’intrigue, ni la résistance, par la même raison qui fait que la politesse donne fermeté. Le chef n’est plus maintenant considéré à l’image du père de famille ; et l’on voit que l’ouvrier d’usine est tenu autrement que n’était l’apprenti dans l’ancien atelier. Joffre fut le maître. Il n’était pourtant point le Souverain ; mais il était le chef de service que les circonstances mettaient au premier rang, comme serait, en épidémie, le Médecin en chef, ou en inondation, l’Ingénieur hydrographe. »

Ainsi la tyrannie personnelle disparaîtra par la force des choses ; seule peut rester possible la tyrannie abstraite dont le Lieutenant de Maurois donnait cette formule : l’ordre pour l’ordre. Là, nous sortons plus encore de la politique : ce problème n’est que moral. Il s’agit de savoir ce qui sera laissé aux hommes, s’ils deviendront les instruments de cet ordre ou si l’ordre ne sera qu’un des moyens de leur bonheur. Aimer l’ordre pour l’ordre, si l’on poussait cette

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