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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/208

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LE CITOYEN CONTRE LES POUVOIRS

de corde. Nous retrouvons par là quelque chose de la gravité inimitable du sauvage qui a une grande plume à travers le nez. Ces majestés emplumées ne pensent guère. Bref la bicyclette est un genre de hausse-col.

Que dire du photographe ? Ibsen, en son Canard Sauvage, a éclairé de sa lumière nordique ce genre d’artiste qui pense par retouche, corrigeant l’apparence par le plus bas degré de l’apparence, et mensonge par mensonge, comme le Canard lui-même, en son baquet, devrait se réjouir de la planche inclinée qui fait une plage au bord de cet étang. Je voyais hier naviguer vers le Sud-Ouest une escouade de grues ou de hérons qui flottait dans le vent comme une banderole. Cela criait triomphalement. Je n’envie pas les pensées de ces navigateurs à petite cervelle ; mais les hommes ont toujours envie de cette liberté et puissance du corps dans l’élément fluide ; symbole du jugement, car il n’y a point deux coups d’ailes semblables, et les moindres plis de l’air s’expriment en cette forme invincible.


Je vois que quelques-uns CHERCHER LE RENDEMENT,
NON LA PUISSANCE.

Je vois que quelques-uns philosophent au sujet des machines, à peu près comme l’esclave considère le maître. « Que fera-t-il de moi ? » Je reprendrais bien là-dessus les paradoxes de Butler dans son Erewhon. Il s’amuse à dire que les machines sont une nouvelle forme de l’activité vivante ; ce seraient comme des parasites de l’homme, mais qui finiraient par l’épuiser et le soumettre. On aperçoit aisément l’idée sous le badinage ; et il est

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