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Page:Alain - Le Citoyen contre les pouvoirs, 1926.djvu/89

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LES HYPOCRISIES DE LA GUERRE

dence et la patience. Je désapprouve toute action et tout commencement d’action. Je devine d’immenses projets et de redoutables ambitions autour de vous. Aussi je rappelle que notre alliance a toujours été purement défensive ; que c’est ainsi qu’elle a été présentée au peuple français ; que c’est sous cette condition qu’il l’a approuvée ; que nous avons publiquement juré, de concert, que cette union de nos armes n’avait d’autre fin que la paix. Il nous faut donc attendre quelque attaque directe et bien claire. Et si nous l’attendons, nous, sans peur, avec tout le calme d’un peuple juste, quand l’ennemi peut être d’un saut à notre cœur même, nous pouvons bien demander et même exiger quelque circonspection d’un immense pays comme le vôtre, tellement moins vulnérable par sa masse et son étendue, et dont nous savons, au surplus, qu’il ne recevra pas le premier choc. » Si ce discours avait été fait, il en resterait quelque trace. Mais, bien loin qu’on nous ait rapporté rien de tel, nous avons recueilli une sorte d’aveu. « Les nerfs de l’Europe étaient à bout. » Ce mot du ministre Viviani, qui fut acteur et témoin, n’a pas même été remarqué, tant il exprime ingénûment la vérité de la chose. Et la question est de savoir si un homme d’État peut se permettre d’avoir des nerfs, et comment il a pu, après quelque mouvement d’acteur tragique, se consoler autrement qu’en se portant lui-même à la tranchée à la manière des Collignon et des Bayet. C’est ainsi que l’homme de troupe pose la question.

Troisièmement on nous a fait entrevoir, on se propose d’établir par documents, que notre politique, longtemps avant la crise, connaissait les ambi-

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