Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/18

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l’autre, ou, pour mieux dire, une apparition après l’autre, toujours poursuivant le vrai de l’imagination, qui n’est pas la même chose que le vrai de l’apparence. Je perçois le bâton dans l’eau comme brisé, je me garde bien de le redresser ; au contraire je mesure cette déformation, j’en tire des connaissances sur l’eau et la lumière. L’arc-en-ciel aussi n’est une vision que pour celui qui ne comprend pas, ici comme en d’autres cas, la réfraction des couleurs. Ces illusions sont non pas niées mais confirmées.

La difficulté est tout autre pour cette partie de nos visions qui résulte seulement des mouvements tumultueux du corps humain et des passions qui en résultent, comme la peur ou l’espérance. Car il y a bien toujours des déformations que l’on expliquera par la physique même. L’œil fatigué voit sa propre fatigue sous forme de taches volantes ; l’oreille malade mêle à tous les bruits son propre bourdonne-