Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/209

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L’esprit de vengeance n’y est pas tout, et le supplice signifie bien plus d’une chose.

L’involontaire est-ce que l’on remarque dans l’innocent, l’idiot, l’épileptique. Ces mouvements ont été dits inconscients, et c’est une erreur de mot qui a mené loin ; mais cette scolastique passera. Au vrai, il n’y a de conscience que du volontaire, et de pensée que volontaire. Et ces mouvements oraculaires du corps non gouverné ne sont que pure nature, comme les arbres et les sources, comme les grues et les lièvres. On a toujours pressenti que les innocents disaient beaucoup sans savoir ; et en effet ils disent tout, par une liaison toute naïve avec la nature. Les innocents remuent comme les feuilles des arbres, et font un bruit de paroles, et des gestes que l’on est sur le point de comprendre. D’où l’attention et l’admiration à ces signes de hasard, qui, d’ailleurs, par la forme humaine, se rattachent toujours à la conservation de l’espèce, ce qui fait réussir quelques