Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/214

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moutons qui suivent l’homme à la grande houppelande ! Il est leur dieu. Il les console, il les guérit ; lui seul sait les conduire jusqu’à l’abattoir ; sans cette providence, ils mourraient trop tôt. Il n’est guère de berger de moutons qui ne passe pour sorcier. Et je crois que les sorciers agrestes furent d’abord les dresseurs d’animaux, dont la patience n’est pas connue, et qui font voir soudain d’étonnants effets. On peut dresser toutes les bêtes ; mais, comme Lucrèce l’a vu, on ne peut pas toujours mêler aux travaux les bêtes dressées. Les charmeurs de serpents et les dompteurs de lions sont demeurés hors de notre industrie. Toutes les sorcières de nos contes paraissent environnées d’animaux, presque tous dangereux. C’est ce qui me fait supposer que l’art des sorciers s’exerça toujours principalement sur la nature animale, et peut-être aussi sur la nature végétale, toujours par patience, moyens accumulés, et très bonne mémoire, sans aucune science