Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/222

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pourrait dire alors que la raison naît aux champs et se perd à la ville. S’il y a d’autres règles à la ville, et d’honnêtes métiers aussi, ce n’est toujours pas chez le banquier ni chez le prince qu’on apprendra à les connaître.

On a défini l’homme comme l’animal qui fabrique des outils. C’est vrai, mais ce n’est pas juste. L’outil est un témoin de pensée et un calcul de puissance. L’ancien sceptre est un bâton ; et le bâton, le même bâton, est par lui-même une règle et une loi. L’ancienne charrue n’est qu’un bâton traîné ; le sillon est la trace du bâton, plus nette que celle de l’homme. Le droit est écrit dans le labour. Tous les outils sont des bâtons ; le mètre est un bâton. Le levier est un bâton ; et la roue, âme de toutes les machines, est déjà dans l’outil tournant. Je laisse cette analyse des outils, si difficile, et qui romprait mon sujet. Il est clair que les animaux, même les plus ingénieux, n’ont jamais pensé à