Aller au contenu

Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autrement et remué d’autre manière. Et par cette méthode d’analyse, si bien séparée alors de nos drames réels, nous nous trouvons pourtant éclairés sur la nature des dieux. Car, ce qu’il importe de remarquer, nous comprenons que l’apparence du monde, même dans les plus vives émotions, est toujours la même et toute vraie. Par quoi nous formons, sans aucune complaisance à nous-mêmes, cette notion de l’invisible, qui est principale dans notre sujet, et sur laquelle je reviendrai plus d’une fois. Oui, nous cherchons notre propre émoi dans cette même image irréprochable où le physicien prendra ses mesures ; nous demandons compte à cette image d’un intérêt démesuré, et cette image ne peut répondre. C’est de là que nous formons cette présence cachée et embusquée, et ce mystérieux envers de la chose qui nous fait croire que tout est plein d’âmes, ou, comme disait Thalès, que tout est plein de dieux. S’il l’a dit réellement, et comment il l’entendait,