Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/347

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pas la saison des figues. Aussitôt il le maudit et l’arbre est desséché. Cela ne passe point ; et notre exégète va chercher aussitôt de quel absurde copiste, ou de quelles lettres mal formées, est venue cette remarque que ce n’était point la saison des figues. Or, par une expérience bien des fois renouvelée, j’ai appris à ne pas changer un texte à la légère, avant d’avoir essayé sérieusement de le comprendre. Car cette difficulté me pique, et, de ce qui me pique, il m’arrive souvent de tirer une grande et importante idée, que mes molles et abstraites pensées auraient négligée sans cela. En quoi je prétends être pieux et de vraie piété ; non que je jure d’accepter l’absurde, mais parce que je m’essaie à surmonter l’absurde apparence, ce qu’évidemment je ne puis faire si d’abord je la corrige. Cette méthode s’est trouvée bonne en ce cas-ci. Car je me suis dit que, si ce n’était pas la saison des figues, ce n’est pas aussi de figuier qu’il s’agit, mais de moi-