Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/400

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ne peut forcer, auquel il faut donner et pardonner. L’évêque Bienvenu ne demande pas de preuves à Jean Valjean ; mais il lui donne toute vertu, et jure pour lui, et chante Noël dans cette nuit de l’homme. Encore bien plus assuré le Noël de la mère chante dans la nuit de l’enfant, et chantera toujours qu’il est esprit, qu’il parle, qu’il connaît et reconnaît, bien avant qu’il parle, connaisse et reconnaisse. Car, comme les contes le disent, il suffit d’une vieille sorcière à côté du berceau pour dessécher d’avance les fleurs de l’esprit. “Tu seras stupide, tu seras envieux, tu seras voleur”, ces prédictions sont vérifiées par une persuasion où l’esprit enfant se condamne lui-même. Et par cette fiction, qui n’est pas toujours fiction, la charité se montre toute, qui est plus qu’amour, puisqu’elle n’attend pas les perfections. L’homme efface souvent la charité seulement par mériter l’amour ; et les meilleurs manquent à s’aimer par les