Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/57

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delà des petites mains, l’enfant ne l’ignore jamais tout à fait. Car il fait tomber son jouet, et ne peut le reprendre ; il chancelle, il cherche appui. Il frappe sans briser, il se heurte, il se blesse ; il essaie son hochet sur ses gencives. Ce monde résistant, et de petites dimensions, n’est pas encore redoutable. Peut-être s’irrite-t-on de ce que, sans être redoutable, il ne cède pourtant jamais. Un travail s’exerce alors, mais dont le lien avec les besoins ne se montre jamais. Le grand obstacle c’est l’interdiction, et le seul péché, c’est la désobéissance. On voit se dessiner ici un grand mythe qui n’a point de faute ; un grand mythe qui, chose remarquable, exprime seulement qu’il n’est plus vrai. On s’étonnera moins, après ces remarques, des croyances qui n’ont point d’objet, ou qui ont pour objet l’absence même d’objet ; et aussi de ces étranges preuves, qui furent, et qui ne sont plus. Telle est bien la réminiscence d’un être qui vieillit.