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PHILOSOPHIE DE KANT

viens de vous imposer, j’aurais donné de Kant une idée inexacte ; car l’esprit kantien est tout entier dans ces incomparables analyses, nourries d’exemples, et d’une suite admirable, dont vous avez maintenant une idée précise. J’ai donc ressemblé, quand j’ai touché d’abord à ce théorème, à ces philosophes qui exposent Kant, et dont on ne peut pas dire que l’exposé est faux, ni non plus qu’il est vrai. C’est par ces paresseux abrégés que la philosophie perd ses forces et son efficacité. Lagneau avait pris pour devise : « Clarum per obscurius ». Je viens d’en donner un exemple par la manière de démontrer la substance, la causalité et la loi. Je vous ai jeté, mon cher ami, dans de grandes difficultés. Pardonnez ; mais je ne pourrais sans cela donner la moindre idée du redressement de la philosophie occidentale opéré par Kant ; chose qu’on n’avait pas vue, il me semble, depuis Socrate. À l’imitation de Socrate, je me réponds à moi-même que vous êtes d’accord. N’ai-je pas raison ? Laissez-moi vous citer un des plus beaux mots de l’homme, et c’est Chateaubriand qui l’a