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LE SUBLIME

mur orné ; et, dans la poésie, ce qu’on attend, ce qu’on voudrait, n’est jamais dit ; le poète qui se plaît et qui veut tout énumérer n’est jamais que plat. Au quatrième moment, se trouve la grande idée de l’approbation universelle et nécessaire. Il faut que le beau plaise à tout homme ; d’où l’on revient à l’idée essentielle des trois Critiques, qui se nomme ici sens commun, afin qu’on ne le confonde pas avec la raison. Car la raison est commune aussi à tous les hommes et les découvre semblables les uns aux autres ; mais le sens révèle entre eux quelque chose de plus, c’est la fraternité, ressemblance qui n’est pas de raison, puisque le beau est sans preuve ; ressemblance qui est de fait et de structure. Et l’homme reconnaît l’homme partout, et d’abord dans l’élément confus, dans la partie folle ; ce qui ne détruit pas le sublime mais le fonde au contraire, car il est de sentiment et une certaine colère en est la base. Chose digne de remarque, celui qui sent le sublime ne tient pas à être admiré ni imité. Il veut même plaire en ce qu’il choque, comme on voit très bien dans