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Page:Alain - Mars ou la Guerre jugée, 1921.djvu/38

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explique l’impatience de mourir. Il faut peser ces causes-là ; et c’est le rôle des aînés, il me semble, puisqu’ils se lavent présentement les mains de tout ce sang, de faire en sorte que ces redoutables causes n’aient point occasion d’agir. Je répéterai encore plus d’une fois que les causes profondes des guerres sont dans les passions, et presque toutes nobles. L’honneur national est comme un fusil chargé. Les conflits d’intérêts sont l’occasion des guerres ; ils n’en sont point la cause. Revenez donc toujours aux mœurs, aux jugements, et enfin à vos propres jugements, dont vous devez compte aux morts et aux vivants.

Ce feu du courage guerrier réchauffe et purifie ; mais ce miracle finit aussitôt sous la terre. Et, pensez-y bien, quels que soient vos désirs imaginaires, ce sentiment en vous, qui ne combattez pas, est suspect pour ne pas dire pis. On en cite qui n’ont point supporté ce soupçon en eux-mêmes, et ce courage trouble qui ne sait qu’admirer ; et malgré l’âge ils ont voulu être au danger ; non pas agir autrement, non pas coopérer à la défense, mais s’exposer aussi à la mort. Et de ceux-là aussi il faut dire qu’ils cherchaient moins la victoire que le danger. Le moins donc que l’on puisse demander à ceux qui n’offriront pas leur vie, et d’abord à toutes les femmes, est de ne point tant se plaire à des maximes qui tuent. Je laisse aux négociateurs le soin de composer avec les intérêts ; problèmes immenses, que nul ne domine. Mais je mesure du moins un danger certain, comme d’un explosif humain, si les spectateurs en viennent à douter encore de la valeur humaine, d’après des conceptions puériles, et à pousser et fouetter les jeunes, quand il faudrait les retenir. Dès qu’il s’agit de la vie des autres, désormais soyons froids comme des usuriers.