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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/262

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MINERVE OU DE LA SAGESSE

Nous voilà maintenant devant l’enfant normal, devant l’enfant à qui on peut demander de vouloir. Et, celui-là, on rougirait de l’instruire comme un animal, par l’appât d’un morceau de sucre. Au contraire on se gardera de l’intéresser trop : de préférence on lui présentera le travail comme une épreuve de volonté, absolument comme l’entraînement du coureur et du boxeur lui est présenté comme une épreuve de volonté. Il rougit alors d’être inférieur devant l’épreuve ; il rassemble ses forces sous sa propre direction intérieure ; il triomphe, et ce triomphe l’affermit. Allez lui dire à ce moment-là que c’est seulement une affaire de nourriture et d’équilibre physiologique, il saura bien vous répondre, qu’à attendre la volonté comme un résultat on est lâche tout simplement. Car, rester couché jusqu’à ce qu’on ait envie de se lever, c’est la paresse même.

Je reviens à l’écolier, qui certes pourrait bier attendre que l’envie de travailler lui vienne. Cette manière de se traiter soi-même c’est exactement la paresse. Toutefois ce n’est pas eucore la pire paresse. La pire, c’est de se dire et de dire aux autres que ceux qui travaillent ont bien de la chance d’être bâtis comme cela. Qu’on voudrait bien leur ressembler, mais qu’on n’y peut rien. Cette philosophie est naturelle à l’enfant : « Lui est un bon élève, et moi je suis un mauvais élève. Lui il a du courage, et moi je n’en ai pas ». Ce discours revient à cet autre : « Je suis menteur, je le sais. Je n’y peux rien et vous n’y pouvez rien ». Il faut réagir ; il faut remon-

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