mêmes. Au lieu que ces marchands qui s’installent dans une échoppe provisoire, qui s’étendent et s’organisent dans le courant humain, qui tendent leurs filets juste au remous, à la manière des pêcheurs, ces marchands-là ne peuvent pas se ruiner tout à fait ; ils se ruinent ici et s’enrichissent à un mètre de là. C’est ainsi que les grandes maisons se sont faites. J’entends bien que l’on se moque, et que l’on dit le contraire, et qu’on rit de l’entrepreneur qui fait marcher les brouettes, les seaux, les treuils, alors qu’il existe de puissantes pelles mécaniques qui enlèvent d’une bouchée le contenu de dix brouettes. Or ces comptes ne sont pas faits ; ce qu’on en devine épouvante, et conseille déjà quelque retour à la sauvage méthode. Ce que je veux remarquer maintenant, c’est que ceux qui conçoivent avant d’exécuter portent en eux l’esprit fataliste, l’esprit du joueur, toujours partagé entre le grand succès et le grand échec. La guerre a fourni là-dessus plus d’un exemple. C’est que, dans l’état présent des mœurs, la guerre est un projet avant d’être une action.
La perfection de l’action se trouve dans le sauvetage. Pourquoi ? Parce que tout le projet est alors fourni par l’événement. Où sauver ? Qui sauver ? Les réponses sont dans l’expérience ; et le premier effort pour se rapprocher du centre de l’action oriente déjà la volonté. En fait il n’y a point d’action plus rapide, plus engagée, plus lancée toute avec plus de foi, que le sauvetage. L’esprit établit alors le projet en même temps qu’il le réalise. C’est alors