qu’ils refusent d’approuver ; car n’ai-je pas raison ? Tout le pouvoir et toute l’ambition montrent ici leur vrai visage. Rien n’est faible et démuni comme celui qui prétend avoir raison. Je l’entends qui tremble en lui-même. Le joueur perd par le fait ; un fait n’offense point. Ce qui offense, c’est le refus de reconnaître la raison de l’autre.
Toute pensée suppose l’égalité. Je pense, c’est-à-dire que je propose des opinions non point avantageuses, mais vraies et évidentes, des pensées qui seront communes dès qu’on les connaîtra. Je pense comme dans un concert universel ; j’entends déjà l’applaudissement. Donc, tout droit à chacun de douter, de nier, d’attaquer ; et cela ne me fait pas peur. Qu’ai-je fait lorsque je pensais, sinon essayer contre ma propre pensée toutes les attaques possibles ? Mais c’est pourquoi aussi la moindre critique, le moindre signe de refus sonnent aigrement. Le meilleur argument est ici le pire, car il entre sans façon dans la pensée qui se propose ; il commence à la changer. Ainsi le législateur universel, le roi d’esprit, se trouve promptement menacé et détrôné. Il se redresse, il s’irrite, et l’on rit. Ce genre de déception rend féroce.
Dans le fait on ne met sa vie en jeu que pour une idée. C’est qu’auprès de la majesté qui est propre à la pensée rien ne compte. Les vraies guerres sont d’opinion, disons même de religion. La plus grande méchanceté se trouve entrelacée avec la plus grande charité. Car j’estime très haut et j’aime profondément celui que je veux persuader ; je le fais juge ; mais, s’il résiste, je me sens offensé et détrôné ; bien