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Page:Alain - Minerve ou de la Sagesse, 1939.djvu/63

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LE FANATISME

la force de l’esprit ; mais analyser c’est d’instant en instant choisir et refuser ; c’est penser comme on veut, et non point comme les choses voudraient ; encore moins comme les hommes voudraient ; car ils aiment la vérité toute, et voudraient d’un seul mouvement l’embrasser toute. Cette impatience est ce qui persécute. Ainsi c’est toujours l’intelligence qui est brûlée. Elle est impie. Diviser les difficultés, voilà le sacrilège.

C’est une question de savoir s’il est permis de tout examiner. Oui, c’est une question, et il faut l’examiner ; donc il faut tout examiner. Jamais vous ne vaincrez l’esprit qui s’est une fois éveillé, quand ce ne serait qu’à compter un plus un. Car la vue claire de cette loi commune à tous les esprits fait paraître aussitôt une autre valeur bien au-dessus de ce monde des forces, et même qui exige que ce monde des forces soit refusé. En aucun problème la force du poing ne décide ; et c’est par là que la force n’est pas le droit. Mais c’est sans doute quand on est aux prises avec soi-même, quand on éprouve que le moindre retour de force enlève jusqu’à l’espérance d’une pensée, c’est alors qu’on le comprend le mieux.

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