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En cette ambition de plaire, et de plaire à l’être le plus haut et le plus difficile, à l’être qu’on veut tel, se montre aussitôt la plus noble ambition, qui cherche le semblable plus haut que soi, et qui veut s’y joindre. Alceste souffre de Célimène vulgaire et basse ; il la veut sublime ; il la pressent telle. C’est d’un esprit qu’il veut louange, et libre louange. Il est certes beau à voir, s’efforçant en toutes ses actions de mériter cet éloge qu’il espère ; mais Célimène a manqué de courage. Or, puisque le théâtre témoigne pour tous, il est évident qu’au jugement des fils de la terre tout amour est céleste, tout amour est platonique. Ainsi d’un regard, et bien aisément, nous avons parcouru toute l’étendue de ce grand sujet.

Mais trop vite sans doute ; trop aisément oublieux de cet animal rugissant et debout ; encore bien plus oublieux de cet animal digérant qui n’est heureux que couché. Platon, de mille manières, et sans aucun ménagement, nous étale notre lot ; ici souvent violent, heurtant, offensant ; attentif, il me semble, à déplaire, par la vive peinture des