IV
NEURASTHÉNIE
Par ces temps de giboulées, l’humeur des hommes, et celle des femmes aussi, change comme le ciel. Un ami, fort instruit et assez raisonnable, me disait hier : « Je ne suis pas content de moi ; dès que je ne suis plus occupé à mes affaires ou au bridge, je tourne dans ma tête mille petits motifs qui me font passer de joie à tristesse et de tristesse à joie, par mille nuances, plus vite que ne change la gorge des pigeons. Ces motifs, comme une lettre à écrire, ou un tramway manqué, ou un pardessus trop lourd, prennent une importance extraordinaire, comme pourraient faire des malheurs réels. En vain je raisonne et je me prouve que tout cela doit m’être indifférent ; mes raisons ne sonnent pas plus en moi que des tambours mouillés. Et, en un mot, je me sens neurasthénique un peu. »
Laissez, lui dis-je, les grands mots et essayez de comprendre les choses. Votre état est celui de tout le monde ; seulement vous avez le malheur d’être intelligent, de trop penser à vous, et de vouloir comprendre pourquoi vous êtes tantôt joyeux tantôt triste. Et vous vous irritez contre vous — même,