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Page:Alain - Propos sur le Bonheur (ed. 1928).djvu/246

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PROPOS SUR LE BONHEUR

et, encore mieux, de gens que je ne connais guère ; car je ne discute pas alors les signes ; je les prends comme ils sont ; c’est le mieux. Et il est profondément vrai qu’un signe joyeux dispose à la joie celui qui le lance. D’autant que par l’imitation ces signes sont renvoyés sans fin. Ne dites point que la joie des enfants est pour les enfants. Même sans réflexion, même sans affection aucune, nous faisons grande attention aux signes des enfants ; chacun ici est nourrice ; chacun commence ici le jeu d’imiter en vue de comprendre, par quoi on instruit les enfants.

Ce jour de fête vous sera bon, que vous le vouliez ou non. Mais, si vous le voulez, si vous retournez de toutes les façons cette grande idée de la politesse, alors la fête sera vraiment fête pour vous. Car, disposant vos pensées selon les signes, vous prendrez quelque forte résolution de ne jamais lancer, le long de ces mois à venir, aucun signe empoisonné, ni aucun présage qui puisse diminuer la joie de quelqu’un ; ainsi d’abord vous serez fort contre tous ces petits maux qui ne sont rien, et dont la déclamation triste fait pourtant quelque chose. Et, par ce bonheur en espoir, vous serez heureux tout de suite. C’est ce que je vous souhaite.

20 décembre 1926.