L’homme est courageux ; non pas à l’occasion mais essentiellement. Agir, c’est oser. Penser, c’est oser. Le risque est partout ; cela n’effraie point l’homme. Vous le voyez chercher la mort et la défier ; mais il ne sait point l’attendre. Tous ceux qui sont inoccupés sont assez guerriers par l’impatience. Ce n’est pas qu’ils veuillent mourir, mais c’est plutôt qu’ils veulent vivre. Et la vraie cause de la guerre est certainement l’ennui d’un petit nombre, qui voudraient des risques bien clairs, et même cherchés et définis, comme aux cartes. Et ce n’est point par hasard que ceux qui travaillent de leurs mains sont pacifiques ; c’est qu’aussi ils sont victorieux d’instant en instant. Leur propre durée est pleine et affirmative. Ils ne cessent pas de vaincre la mort, et telle est la vraie manière d’y penser. Ce qui occupe le soldat, ce n’est pas cette condition abstraite d’être sujet à la mort, mais c’est tel danger et puis tel autre. Il se pourrait bien que la guerre fût le seul remède à la théologie dialectique. Tous ces mangeurs d’ombres finissent toujours par nous conduire à la guerre, parce qu’il n’y a au monde que le danger réel qui guérisse de la peur.
Voyez même un malade, comme il est aussitôt guéri, par la maladie, de la peur d’être malade. C’est l’imaginaire toujours qui est notre ennemi, parce que nous n’y trouvons rien à prendre. Que faire contre des suppositions ? Il arrive qu’un homme se trouve ruiné ; aussitôt il voit plus d’une chose à faire, et pressante ; ainsi il retrouve sa vie intacte. Mais un homme qui craint d’être ruiné et misérable simplement parce qu’il imagine la révolution, les surprises du change, l’avilissement de son papier,