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Page:Alain - Propos sur le Bonheur (ed. 1928).djvu/78

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XXII

LA FATALITÉ

Nous ne savons rien commencer, je dis même pour allonger le bras ; nul ne commence par donner ordre aux nerfs ni aux muscles ; mais le mouvement commence de lui-même ; notre affaire est de le suivre et de l’achever pour le mieux. Ainsi, ne décidant jamais, nous dirigeons toujours ; comme un cocher, qui ramène le cheval emporté ; mais il ne peut ramener que le cheval qui s’emporte ; et voilà ce qu’on appelle partir ; le cheval se réveille et s’enfuit ; le cocher oriente ce sursaut. De même un navire, s’il n’a point d’impulsion, il n’obéit point au gouvernail. Bref, il faut partir n’importe comment ; il est temps alors de se demander où l’on ira.

Qui est-ce qui a choisi ? Je le demande. Personne n’a choisi, puisque nous sommes tous d’abord des enfants. Personne n’a choisi, mais tous ont fait d’abord ; ainsi les vocations résultent de la nature et des circonstances. C’est pourquoi ceux qui délibèrent ne décident jamais ; et il n’est rien de plus ridicule que les analyses de l’école, où l’on pèse les motifs et mobiles ; c’est ainsi qu’une légende abstraite, et qui sent le grammairien, nous repré-