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Page:Alain - Propos sur le Bonheur (ed. 1928).djvu/87

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XXV

PRÉDICTIONS

Je connais quelqu’un qui a montré les lignes de sa main à un mage, afin de connaître sa destinée ; il l’a fait par jeu, à ce qu’il m’a dit, et sans y croire. Je l’en aurais pourtant détourné, s’il m’avait demandé conseil, car c’est là lui jeu dangereux. Il est bien aisé de ne pas croire, alors que rien n’est encore dit. À ce moment-là, il n’y a rien à croire, et aucun homme peut-être ne croit. L’incrédulité est facile pour commencer, mais devient aussitôt difficile ; et les mages le savent bien, « Si vous ne croyez pas, disent-ils, que craignez-vous ? » Ainsi est fait leur piège. Pour moi, je crains de croire ; car sais-je ce qu’il me dira ?

Je suppose que le mage croyait en lui-même ; car si le mage veut seulement rire ; il annoncera des événements ordinaires et prévisibles, en formules ambiguës : « Vous aurez des ennuis et quelques petits échecs, mais vous réussirez à la fin ; vous avez des ennemis, mais ils vous rendront justice quelque jour, et en attendant, la constance de vos amis vous consolera. Vous allez bientôt recevoir une lettre, se rapportant à des soucis que vous avez présente-