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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/108

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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

La contemplation poétique est naturellement religieuse, car d’un côté la sérénité et la résignation y est toujours, et, de l’autre, le rythme nous entraîne, si l’on peut dire, à l’acceptation de l’ordre ; et le poète est comme un Dieu, qui pose au lieu de prouver. Cette majesté se reconnaît en toutes les belles œuvres, car on ne pense même pas à vouloir qu’elles soient autrement. Mais le moyen propre au poète évocateur de choses, c’est ce mouvement assuré qui nous détourne du raisonnement critique. Le jugement s’exerce seul ici par éclairs ; et cette puissance d’ordonner des rêves et de leur donner corps, va jusqu’au sublime dès que les choses rêvées sont grandes, désolées, terribles, c’est-à-dire près du désordre et de l’épouvante ; car la victoire est belle. On dit bien que le contemplateur est inspiré. Mais en revanche rien n’est plus contraire à ce genre de poésie que le dieu qui descend des nuages. Cela convient seulement à l’épique, où la nécessité extérieure domine tout et jusqu’à nos pensées. Le mouvement contemplatif est tout contraire, et plus près du vrai. C’est pourquoi les premières vues de physique furent en vers, et le dieu réfugié dans le physicien, comme il convenait.