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CHAPITRE IX

DES GENRES MUSICAUX

On distingue sans peine la musique héroïque, l’élégiaque, la religieuse ; il y faut joindre la dramatique et la bouffonne. Platon ne voulait point d’autre musique que l’héroïque ; il disait que les autres musiques, qui exigent beaucoup de cordes ou une complication de clefs, n’étaient bonnes qu’à amollir et corrompre les âmes. Assurément, comme la vraie chasteté est sans pensées, ainsi il est bon de n’avoir pas besoin de musique à discipliner l’amour, la tristesse, le désespoir ; mais nous traitons ici des arts tels qu’ils sont, sans décider s’il vaudrait mieux se contenter du clairon et de la trompette. Toujours est-il que l’héroïque, qui n’est que l’épique sans paroles, exprime la force d’âme par un mouvement imperturbable, et résout les dissonances par l’action. Le mode majeur, qui force toujours sur l’obstacle, et résout en surmontant, y convient surtout ; et les modulations y doivent être naturelles, prévues, et non point soudaines et en forme de gouffre, comme des pensées à la traverse. Le propre de l’héroïsme est de se détourner des pensées qui ne concourent pas aussitôt à l’action ; ou, plutôt, les pensées accessoires n’y viennent que par des éclairs, recouverts, ramenés, entraînés, dominés ; mais il faut qu’on sente aussi