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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/213

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DES SIGNES

seulement, alors il parle assez. Il est remarquable que toutes les belles figures, et surtout celles qui sont liées à un édifice, expriment le silence ; c’est pourquoi le silence s’établit fortement dans ces édifices pleins de signes ; ce langage supprime l’autre. Et il est commun que l’autre amplifie les rapports et oublie l’homme ; mais celui-là pose toute la pensée autour d’un centre, et ramassée et repliée, et toujours allant du dehors au dedans ; on retrouve à chaque fois ces formes encore plus silencieuses et plus riches, plus sures d’elles et de nous. En sorte que, par ces signes, toutes nos pensées prennent juste force et juste place. On conte que Gœthe quittait souvent la conversation pour aller regarder de belles images. Ainsi il remettait ses pensées en ordre ; non pas telles ou telles, mais toutes. Car, selon ce langage fort, il n’y a pas une idée et puis une autre ; le temps et le mot sont abolis. Mais il est vrai que l’autre langage veut s’y glisser toujours, par ces gestes et mouvements de muets qui remplacent les paroles ; de quoi le beau signe se garde, étant d’abord repos, immobilité et attente. Le célèbre Sphinx exprime assez bien cela. C’est une expression qui tue tout ce qu’on en peut dire. Massacre d’opinions. Il faut écrire pourtant cela même, afin de séparer les genres contre les opinions usurpatrices. Mais craignons le mépris du Sphinx.