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Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/361

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CHAPITRE V

DE L’HISTOIRE

Il y a un genre d’histoire qui n’est que l’inventaire de nos connaissances concernant le passé ; œuvre de science et de critique. L’art de peindre par des mots n’y est pas le principal, au lieu que cet art approche de la perfection dans les Annales de Tacite. Mais justement il est remarquable que ce genre de peinture est bref et presque abstrait ; les caractères du récit l’emportent ; la loi du temps raccourcit les tableaux et les rejette sans cesse au passé. Toutefois on ne peut point imaginer de peinture plus forte que celle d’une sédition militaire en cette prose serrée, et chacun connaît la mort de Britannicus ; mais le tragique, le tableau, l’analyse des cœurs, tout cela tient en une ligne ou deux. En sorte que si l’on prend cette histoire pour un roman, il n’est point vrai que la forme du récit, qui y domine, et qui presse l’auteur, aille contre la force de l’expression, bien au contraire. Et c’est là qu’il faut regarder, ou dans Stendhal, si l’on veut saisir les secrets de la prose dramatique. Car il arrive à d’autres de décrire plus longuement ; mais il est assez clair pourtant, par l’exemple de ces traits courts et suffisants, que la prose n’a pas du tout à imiter le peintre ou le dessinateur, qui tient compte des parties et des formes. Il se peut qu’un romancier décrive un château depuis la grille d’entrée jusqu’aux girouettes, comme Balzac a fait ; mais si l’art de