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DU CÉRÉMONIAL

on pourrait dire surtout ceux-là, ont toujours ordonné la foule humaine selon de strictes cérémonies, en vue de discipliner les passions. Peut-être faut-il dire que, dans les pays froids, l'industrie solitaire a réglé et formé l'esprit autrement. Ici les arts qui changent la chose se seraient développés les premiers ; mais le souvenir des anciennes cérémonies aurait toujours dirigé ce travail des artisans, s'il est vrai que l'homme ait remonté de l'équateur vers le pôle en emportant le feu. Toujours est-il que le cérémonial, qui a pour fin principale de disposer le corps humain selon une règle, est par lui-même esthétique, et domine presque partout les arts solitaires. La danse, le chant, la parure, le culte ont dessiné l'édifice, dont la sculpture, la peinture, le dessin se sont ensuite séparés. Toutefois, dans cette histoire imaginaire des Beaux-Arts, il ne faut point chercher au-delà du vraisemblable, car toutes les choses humaines ont plus d'une origine. Un signe, comme de se mettre à genoux ou de faire oui de la tête, s'établit par des causes concordantes ; et l'on peut dire que, pour ce qui est institution, ce n'est pas assez d'une cause. Toute histoire se fait par retours, concordances et entrecroisements. Le dessin fut certainement une écriture, mais vraisemblablement aussi une abstraction de la sculpture ; car le dessin est le geste fixé, mais le geste signifie deux choses au moins, l'objet et l'homme ; ainsi le dessin a pu signifier aussi bien une affection qu'un objet ; le signe magique est donc naturellement aussi ancien que le signe descriptif. Pareillement l'architecture a certainement été souvent comme un tracé pour la danse et une cérémonie fixée. Mais l'art du constructeur a pu s'exercer d'abord, selon les cas, dans les huttes ou cavernes, l'utile l'emportant alors sur le signe. C'est pourquoi il suffit d'ordonner les beaux-arts et de les définir d'après la nature humaine telle que nous la connaissons ; c'est le meilleur moyen de rassembler, en chaque sujet, toutes les causes, et chacune selon son importance propre.