Aller au contenu

Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE VIII

DE LA PARURE

Il est clair qu’un équilibriste ne peut se permettre aucun mouvement de surprise ou de passion. Une femme parée ressemble assez à un équilibriste. L’édifice des cheveux, les pendants d’oreilles, les colliers et médaillons l’avertissent de mesurer et d’enchaîner ses mouvements ; j’ajoute que, par leur contact familier, ils conseillent et arrêtent. Un des effets du vêtement est de rendre le corps plus présent et plus sensible à lui-même par des perceptions de la peau. Les parures seraient une espèce de vêtement pour les parties découvertes ; et c’est une raison des bagues aux mains.

D’autres raisons encore expliquent les bijoux scintillants ; car le regard est ainsi détourné de certaines petites rides à l’attache de l’oreille, au cou, au poignet, qui révèlent trop l’âge ; et la peau se trouve veloutée par ce voisinage et par ce contraste. Une voilette est plus visiblement une sorte d’écran aussi ; mais toutes les parures sont des voilettes. Et peut-être s’agit-il moins de masquer l’âge que d’atténuer les effets fugitifs d’un chagrin ou d’un malaise. L’expérience fait voir que l’échange des petites peines fait une mauvaise société ; et c’est presque indiscret de se montrer pâle ou rouge selon les digestions. On