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CHAPITRE XI

DE LA BEAUTÉ DU CORPS HUMAIN

Il faut négliger maintenant la parure, et, ce qui est plus difficile, oublier ce genre de beauté que le dessin et la peinture peuvent donner quelquefois à l’image d’un corps fatigué, difforme ou grimaçant ; surtout il faut écarter ces souvenirs de grâce ou d’expression qui attachent ou ravissent. Il faut dire ce qui peut plaire dans le corps humain quand il ne pense pas à plaire et qu’il s’offre au naturel, sans savoir même qu’on l’observe. Chose remarquable, tout ce qui serait séduisant dans l’échange des impressions est choquant à l’état de repos ; et c’est peut-être l’idée la plus satisfaisante à suivre si l’on veut comprendre ce que c’est qu’un beau visage. Le signe de l’attention n’est pas laid par lui-même, mais, s’il reste, il est laid parce qu’il inquiète, par un besoin de correspondre, et par l’absence d’objet. Un beau visage annonce le calme de toutes choses, même dans le désordre passager ; mais il faut pouvoir ne rien exprimer que ce que l’on veut, en tout cas ne rien exprimer sans raison, donc pouvoir revenir au repos ; et c’est ce que certaines figures ne peuvent point. Les uns expriment l’étonnement, les autres la finesse et la ruse, d’autres une prétention ou un scrupule, même quand ils dorment. Le beau dont nous parlons ici