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LA LITTÉRATURE FRANÇAISE.

tard il eut, comme tous ses contemporains, dévoré les romans de Walter Scott, quand il eut vu les études historiques, après la dure oppression dont elles avaient souffert sous l’Empire, renaître et refleurir, ses anciens goûts se réveillèrent ; et Cinq-Mars, conçu et médité à Oloron, dans les Pyrénées, fut écrit à Paris, très vite et d’une seule encre.

A. de Vigny se proposait de faire un roman historique, beaucoup plus historique que ceux de Walter Scott. Il reprochait au grand écrivain anglais de donner trop de place aux personnages inventés, et de ne faire apparaître une grande figure historique que trop rarement et dans un trop lointain horizon, simplement pour accroître l’importance du livre et lui donner une date. « Ces rois, disait-il, ne représentent qu’un chiffre. » Il voulait faire le contraire de ce travail et renverser cette manière, c’est-à-dire ne mettre en scène que des personnages historiques, et ne pas laisser la tragédie du roman, en tournant autour de tous ces personnages et en les enveloppant de ses nœuds, déranger l’authenticité des faits. Rien, en effet, dans Cinq-Mars, ne fausse l’histoire générale ni le génie de l’époque, trop éclairés d’ailleurs par les mémoires particuliers pour que les erreurs et les anachronismes fussent possibles. Malgré cela, Cinq-Mars n’est pas un roman historique. Pourquoi ? Parce que, partant de ce principe que l’imagination a le droit « de faire