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LA PATRIE EN DANGER

jeta de convoquer pour le lendemain, à la pointe du jour, la première division de la garde nationale commandée par son ami Acloque, le rival de Santerre. Le roi la passerait en revue, Lafayette la haranguerait et l’entraînerait ensuite contre les Jacobins. Mais, d’après Toulongeon, qui fut dans la confidence, Marie-Antoinette, « qui ne craignait pas moins les services de Lafayette que les offenses des Jacobins et qui espérait être délivrée des uns et des autres par les armées étrangères », fit informer sous main le maire Petion qui interdit la revue. Tenace, Lafayette invita ses partisans à se réunir le soir du 29 aux Champs-Élysées. À peine 100 hommes s’y trouvèrent. « On s’ajourna au lendemain pour marcher sur le lieu des séances des Jacobins, si l’on était 300. On ne s’y trouva pas 30. Ces mesures, conclut Toulongeon, ne servirent qu’à empêcher l’arrestation de Lafayette. Il vit le roi qui le remercia froidement de sa démarche, ne profita pas de ses offres de service et le laissa partir. »

Le pronunciamiento avorté du général n’avait eu pour résultat que d’avertir tous ceux qui voulaient se défendre contre l’invasion mais qui refusaient de se soumettre au pouvoir militaire. Son insuccès avait montré encore que le zèle fayettiste des bourgeois parisiens était tout en paroles. Les sections révolutionnaires de Paris, dans une pluie d’adresses à l’Assemblée, reprirent à leur compte les vigoureuses attaques de Robespierre contre le nouveau Monk et demandérent le licenciement de l’état-major de la garde nationale parisienne, « cette féodalité moderne », ce « corps de réserve aristocratique ».

Carra calculait dans son journal que les administra-