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PROLOGUE.

tenue, je vous en prie et vous l’ordonne. » Puis, se tournant vers quelques-uns en me désignant : « Voyez-le, il n’est pas encore acclimaté céans, ainsi tous êtes-vous dès l’abord, et si longtemps qu’il vous faut de force pendre au cou vos lettres de naturalisation. Or, je vous adjure de laisser là cette coutume qui sied mal à des hommes de valeur. Aussi bien, tels, n’êtes-vous pas vous-mêmes. Votre esprit, gentil d’ordinaire et qui volontiers ouvre ses ailes, demeure opprimé dans cette cage de timide maintien. Restituez-lui son vol, autrement c’est me faire tort d’autant. »

Je vous laisse à penser si ces bonnes paroles d’une personne qui nous peut faire tous les biens et honneurs du monde nous réjouirent tant que nous étions. Quant à moi, j’en fus fort aise, et pour l’en remercier la saluai-je très-doucement, encore que j’eusse pu, en toute révérence et soumission, baiser sa belle main, si j’eusse eu plus mâle courage.

Or, comme l’autorité de son commandement m’eut fait croître le cœur, je pris part à la conversation, où elle fit merveille, étant de sa personne très-bien entretenue à l’exercice des lettres humaines et on ne peut mieux instituée. Chacun, d’ailleurs, stimulé du désir de satisfaire la ver-