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DE LA PEINTURE

rien de mieux que ce voile auquel j’ai coutume, avec mes amis, de donner le nom à l’intersecteur. C’est moi qui en ai inventé l’usage.

Voici ce qu’il en est. Je tends sur un cadre un voile de fil très-fin et tissé très-lâche, de n’importe quelle couleur, divisé en carrés égaux parallèles au cadre par des fils plus gros ; je l’interpose entre mon œil et ce que je veux représenter, de façon à ce que la pyramide visuelle pénètre au travers du voile par l’écartement des fils. Cette intersection du voile a en elle de fort grands avantages. Le premier, c’est de te représenter les mêmes superficies immobiles ; car, ayant placé les premiers contours, tu retrouveras toujours les points de la pyramide suivant laquelle tu as opéré tout d’abord, ce qui, sans l’emploi de cet intersecteur, est chose fort difficile à obtenir. Or, sache qu’il est impossible, en peignant, de bien imiter un objet, si, tant qu’on le peint, on ne lui conserve pas toujours le même aspect. C’est ce qui fait que les peintures ressemblent bien plus au modèle que les sculptures, parce qu’elles conservent toujours le même aspect. Sache, en outre, que si tu changes la distance et la position du point central, l’objet lui-même paraîtra modifié. Aussi ce voile ou intersecteur sera-t-il, ainsi que je l’ai dit, d’une assez notable utilité, puisqu’il maintient l’objet sous un même aspect. Le premier avantage sera de pouvoir établir à des places certaines, sur le tableau qu’on exécute, la position des contours et les limites des superficies. En effet, considérant que le front tient en tel