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PROLOGUE.

chacun aperçoit chez autrui comme un reflet de celle qu’il aimerait en soi, qu’il se prend à désirer, et dont il veut jouir, afin de s’aimer, de se désirer et de jouir de soi-même.

S’il est vrai que l’homme, en naissant, n’a pas la vision rectifiée, et méconnaît les effets de la perspective aérienne, — qui n’a vu un petit enfant vouloir saisir une étoile ? — il faut donc qu’une série d’opérations établisse dans son intellect une notion que ses sens tout d’abord lui refusent. L’artiste est à l’homme qui ne fait pas de sa vue un instrument perpétuel d’étude, ce que cet homme est au petit enfant. Car celui-là, dans les questions d’art, veut aussi saisir des étoiles. Comme il serait, surpris si on lui affirmait qu’il ne voit pas juste, et quelquefois même pas du tout !

Cicéron dit quelque part : Multa vident pictores in umbris et in eminentia, quæ nos non vîdemus. Les peintres voient dans les ombres et dans le relief bien des choses que nous n’apercevons pas. Les ombres et le relief, c’est-à-dire la forme et l’effet.

Le savoir est donc une vision plus pénétrante des choses. Il y a une vision externe qui montre les objets tels qu’ils sont, et une vision interne qui montre les principes rationnels. Perfectionner la