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UNE EXPÉRIENCE.

esprit trouvait beaucoup à faire de ces mains inactives. Meg, qui avait mis de côté une partie de ses ouvrages de couture, trouva le temps si long qu’elle se mit à couper et à gâter toutes ses robes en essayant de les refaire à la Moffat. Jo lut tant et tant qu’elle finit par avoir mal aux yeux et se trouva absolument rassasiée de lecture ; elle devint si impatiente que Laurie lui-même, malgré son bon caractère, eut une querelle avec elle, et si ennuyée qu’elle fut sur le point de regretter de ne pas être partie avec la tante Marsch. Beth se tirait assez bien d’affaire, parce qu’elle oubliait constamment qu’on devait jouer et non travailler, et retombait de temps en temps dans ses bonnes vieilles habitudes ; cependant quelque chose courait dans l’air qui évidemment l’affectait, et sa tranquillité fut plus d’une fois troublée. Il arriva même une fois qu’elle se fâcha contre la pauvre chère Joanna, sa poupée préférée, et lui dit qu’elle était une « affreuse fille. » Amy était la plus malheureuse des quatre, car ses ressources étaient petites, et, lorsqu’elle se vit réduite à s’amuser toute seule, elle s’ennuya profondément. Elle n’aimait pas les poupées, trouvait les contes de fées trop enfantins, et, comme on ne peut pas toujours dessiner, elle ne savait que devenir. Elle avait peu d’amies, et, après plusieurs jours consacrés au plaisir, à l’irritation et à l’ennui, elle se plaignit ainsi de son sort :

« L’été serait délicieux si on pouvait avoir une belle maison remplie de gentilles jeunes filles, ou bien faire de beaux voyages ; mais rester chez soi avec trois sœurs égoïstes et un garçon turbulent, c’est assez pour faire perdre patience à Job lui-même. »

Aucune d’elles ne voulut avouer qu’elle était fatiguée de l’expérience ; mais, le vendredi soir, elles recon-