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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

« Nous avons une très drôle de manière de vivre, et je pourrai en jouir maintenant. Nous sommes toutes si désespérément bonnes, qu’on se croirait chez nous dans un nid d’oiseaux du paradis. Vous ririez de voir Meg à votre place à table et essayant d’être maternelle ; elle devient tous les jours plus jolie, et je suis quelquefois enthousiasmée d’elle. Les enfants sont de vrais archanges, et moi… eh bien ! je suis Jo et je ne serai jamais rien d’autre. Oh ! il faut que je vous dise que j’ai été bien pris de me fâcher avec Laurie ; je m’étais décidée de faire une bête de petite chose, et il en a été offensé ; j’avais raison, mais je n’ai pas parlé comme j’aurais dû, et il est parti en disant qu’il ne reviendrait pas que je ne lui eusse demandé pardon. J’ai déclaré que je ne le ferais pas et je me suis mise en colère. Cela a duré toute la journée. Je me sentais très méchante, et il aurait été bien utile que vous fussiez là pour me remettre à la raison. Laurie et moi nous sommes tous deux aussi orgueilleux l’un que l’autre. Nous n’aimons ni l’un ni l’autre à demander pardon ; cependant, je pensais qu’il s’y déciderait, car c’était lui qui avait tort ; mais il ne reparut pas de la journée. Vers le soir, je me rappelai ce que vous m’aviez dit quand Amy était tombée dans l’eau. J’ai lu mon petit livre, je me suis sentie mieux à l’aise, et, résolue à ne pas laisser le soleil se coucher sur ma colère, j’ai couru dire à Laurie que j’étais fâchée de lui avoir été désagréable. Figurez-vous, mère, que je l’ai rencontré à la porte qui venait pour le même motif. Nous n’avons pas pu nous empêcher de nous rire au nez l’un et l’autre, c’était trop drôle ; rien n’a été plus facile, des lors, que de nous demander mutuellement pardon, et, tout de suite après, nous nous sommes retrouvés les meilleurs amis du monde.