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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

encore trop jeune pour que nous lui permettions de s’engager.

— Certes, ce serait le comble de la déraison ! s’écria Jo. Tenez, mère, je savais qu’il y avait pour moi une nouvelle épreuve sous cloche ; je le sentais, et maintenant, c’est pire que je ne pensais. Je voudrais pouvoir moi-même épouser Meg et la conserver ainsi à sa famille. »

Cet arrangement bizarre arracha un sourire à Mme  Marsch, mais elle dit gravement :

« Jo, j’ai confiance en vous et je désire que ceci reste absolument entre nous. Lorsque John reviendra, je pourrai juger des dispositions de votre sœur à son égard.

— Elle finira par deviner les siennes, et alors ce sera fini d’elle. Elle a un cœur tellement tendre que, si votre nouvel ami la regarde comme il est capable de le faire, le cœur de Meg se fondra comme du beurre au soleil. Elle relisait les billets qu’il envoyait aussi souvent que vos lettres, et me pinçait lorsque je le lui faisais remarquer. Un autre que Brooke eût fait ce qu’il a fait pour père, que cela ne l’aurait pas autant touchée. Croiriez-vous, mère, qu’elle ne trouve pas que Brooke soit un vilain nom ? Ah ! tenez, elle va penser bientôt à nous quitter, et ce sera fini de notre paix et de notre bonheur : je le vois bien, Meg sera absorbée et ne sera plus bonne à rien. Brooke ira chercher fortune quelque part et viendra un beau jour pour emmener notre Meg et faire un vide affreux dans la famille ; mon cœur sera brisé et tout me paraîtra abominablement détestable. Oh ! mon Dieu ! pourquoi ne sommes-nous pas toutes des garçons ! il n’y aurait pas de sots ennuis de ce genre à redouter. »

Jo appuya son menton sur ses genoux, de l’air d’une