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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

temps où leur maison était belle, leur vie facile et agréable, et les besoins de toute sorte inconnus. Elle s’efforçait bien de n’être ni envieuse ni mécontente, mais elle ne pouvait se retenir de regretter les fêtes et les jolies choses d’autrefois.

Dans la famille Kings, où elle remplissait pendant une partie du jour ses fonctions d’institutrice, elle voyait chez les autres ce qu’elle ne trouvait plus chez elle : les grandes sœurs des enfants qu’elle instruisait allaient dans le monde, et Meg avait souvent sous les yeux de jolies toilettes de bal, des bouquets, etc. ; elle entendait parler de spectacles, de concerts, de parties en traîneau et de toutes sortes d’amusements. Elle voyait dépenser beaucoup d’argent pour des riens dont on ne se souciait plus le lendemain et qui lui auraient fait tant de plaisir, à elle. La pauvre Meg se plaignait rarement ; mais une sorte de sentiment d’amertume involontaire l’envahissait quelquefois, car elle n’avait pas encore appris à connaître combien elle était riche des vrais biens qui rendent la vie heureuse.

Jo passait ses matinées près de la tante Marsch, qui souffrait de douleurs rhumatismales.

Lorsque la belle-sœur de M. Marsch lui avait offert d’adopter une de ses filles et de la prendre tout à fait avec elle, la vieille dame avait été très offensée par le refus de son frère de se séparer si complètement d’un de ses enfants. Des amis de M. et Mme Marsch leur dirent dès lors qu’ils avaient perdu toute chance d’hériter jamais de la vieille dame. Ils répondirent :

« Nous ne voudrions pas abandonner nos filles pour une douzaine de fortunes. Riches ou pauvres, nous resterons ensemble, et nous saurons être heureux. »

Pendant quelque temps, la vieille dame avait refusé de les voir ; mais, rencontrant un jour Jo chez une de