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LES QUATRE FILLES DU DOCTEUR MARSCH.

ses poupées. Meg était la confidente et la monitrice d’Amy, et, par quelque étrange attraction des contrastes, Jo était celle de la gentille Beth ; c’était à Jo seule que la timide enfant disait ses pensées, et Beth avait, sans le savoir, plus d’influence sur sa grande sœur étourdie que tout le reste de la famille.

Le soir venu de cette journée assez mal commencée, Meg se mit à dire en commençant à coudre :

« L’une de nous a-t-elle quelque chose d’amusant à nous raconter ? Ma journée a été si désagréable que je meurs réellement d’envie de m’amuser.

— Je vais vous raconter ce qui m’est arrivé aujourd’hui avec tante Marsch, commença Jo qui aimait à raconter des histoires : je lui lisais son éternel Belsham en allant le plus lentement que je pouvais, dans l’espoir de l’endormir plus tôt et de pouvoir ensuite choisir un joli livre et en lire le plus possible jusqu’à ce qu’elle se fût réveillée ; mais cela m’ennuyait tellement qu’avant qu’elle eût commencé à s’endormir, il m’arriva par malheur de bâiller de toutes mes forces. Il s’ensuivit qu’elle me demanda ce que j’avais donc à ouvrir tellement la bouche qu’on aurait pu y mettre le livre tout entier.

« — Je voudrais bien qu’il pût s’y engouffrer en effet ; il n’en serait plus question, » lui répondis-je en essayant de ne pas être trop impertinente.

« Tante me fit alors un long sermon sur mes péchés et me dit de rester tranquille et de penser à m’en corriger, pendant qu’elle « se recueillerait un moment ». Comme ordinairement ses méditations sont longues, aussitôt que je vis sa tête se pencher comme un dahlia, je tirai de ma poche le Vicaire de Wakefield, et me mis à lire, en ayant un œil sur mon livre et l’autre sur ma tante endormie. J’en étais juste au moment où ils