Page:Alembert - La Suppression des jésuites.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chures qui ont appelé ces pères assassins, pas une seule n’ait fait mention d’un trait à la vérité peu connue, mais qui semble donner beau jeu à leurs ennemis. À Rome, dans leur église de Saint-Ignace, ils ont fait représenter aux quatre coins de la voûte (peinte il y a environ cent ans par un de leurs pères) des sujets tirés de l’Ancien Testament ; et ces sujets sont autant d’assassinats ou au moins de meurtres faits au nom de Dieu par le peuple juif : Jahel qui, poussée par l’esprit divin, enfonce un clou dans la tête de Sisara, à qui elle avait offert et donné l’hospitalité ; Judith qui, conduite par le même guide, coupe la tête à Holopherne, après l’avoir séduit et enivré ; Samson qui massacre les Philistins par ordre du Seigneur ; enfin David qui tue Goliath. Au haut de la coupole, saint Ignace, dans une gloire, lance des feux sur les quatre parties du monde, avec ces mots du Nouveau Testament : Ignem veni mittere in terram ; et quid volo nisi ut accendatur ? [1] Il me semble que si quelque chose pouvait faire connaître l’esprit de la Société par rapport à la doctrine meurtrière qu’on lui impute, ces tableaux en seraient une preuve plus forte que tous les passages qu’on rapporte de leurs auteurs, et qui leur sont communs avec tant d’autres ; mais la vérité est que ces principes appuyés en apparence par l’Écriture mal entendue, sont ceux des fanatiques de tous les temps, et nous pouvons ajouter, de la plupart des théologiens de parti, lorsqu’ils croiront avoir intérêt de les répandre, et pouvoir les prêcher en sûreté. Pour eux, un prince hérétique et infidèle est un tyran, et par conséquent un homme dont la religion et la raison ordonnent également de se défaire. La seule chose qu’on doit reprocher aux jésuites, c’est d’avoir abandonné ces abominables principes plus tard que les autres, après les avoir plus fortement soutenus ;

  1. Je suis venu mettre le feu sur la terre ; que puis-je désirer sinon de le voir allumé ?