Page:Alembert - La Suppression des jésuites.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fortune à la cour, où l’on veut bien être chrétien mais à condition qu’il en coûtera peu ; et leur doctrine de la prédestination et de la grâce est trop dure et trop absurde pour ne pas révolter les esprits. Que les étrangers fassent à la France tant qu’ils voudront de reproches (peu importants en eux-mêmes), sur le peu d’intérêt qu’elle paraît prendre à son théâtre national, si estimé de toute l’Europe, et sur la faveur distinguée qu’elle accorde à sa musique, vilipendée de toutes les nations ; ces étrangers, nos envieux et nos ennemis, n’auront sûrement jamais le funeste avantage de faire à notre Gouvernement un reproche plus sérieux, celui de prendre pour objet de sa protection des hommes sans talent, sans esprit, ignorés et ignorants, après avoir autrefois exercé une persécution violente contre les illustres et respectables pères d’une si chétive postérité. D’ailleurs la nation qui commence à s’éclairer, s’éclairera vraisemblablement de plus en plus. Les disputes de religion seront méprisées, et le fanatisme deviendra en horreur. Les magistrats qui ont proscrit celui des jésuites sont trop éclairés, trop citoyens, trop au niveau de leur siècle, pour souffrir qu’un autre fanatisme y succède ; déjà même quelques-uns d’eux (entre autres M. de La Chalotais) s’en sont expliqués assez ouvertement pour mécontenter les jansénistes, et pour mériter l’honneur d’être mis par eux au rang des philosophes. Cette secte semble dire comme Dieu, dont elle emploie si souvent et si abusivement le langage : Celui qui n’est pas pour moi est contre moi ; mais elle n’en fera pas pour cela plus de prosélytes. Les jésuites étaient des troupes régulières, ralliées et disciplinées sous l’étendard de la superstition ; c’était la phalange macédonienne qu’il importait à la raison de voir rompue et détruite. Les jansénistes ne sont que des cosaques et des pandours, dont la raison aura bon marché quand ils combattront seuls et dispersés. En vain crieront-