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Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/185

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juste. N’as-tu pas vu de quelle manière elle m’a rabrouée, comme si j’avais dit quelque grosse sottise ? Et moi, je n’y ai pas regardé le moins du monde. Ils sont tous ainsi. Et nonobstant tout cela, remercions le ciel de ce que cette dame paraît prendre intérêt à toi et vouloir véritablement nous protéger. Du reste, si Dieu te prête vie, ma chère enfant, et s’il t’arrive encore d’avoir affaire avec les gens de condition, tu en verras de ces choses, tu en verras, tu en verras ! »

Le désir d’obliger le père gardien, le plaisir d’avoir à protéger, l’idée du bon effet que produirait dans l’opinion sa protection accordée si saintement, une certaine inclination pour Lucia, et une sorte de soulagement aussi qu’elle éprouvait à faire du bien à une créature innocente, à secourir et consoler des opprimés, avaient réellement disposé la signora à prendre à cœur le sort des deux pauvres fugitives. Sur sa demande et à sa considération, elles furent placées dans le logement de la tourière attenant au cloître, et traitées comme si elles avaient été attachées au service du monastère. La mère et la fille se félicitaient ensemble d’avoir trouvé si vite un asile sûr et respecté. Elles auraient aussi grandement souhaité d’y demeurer ignorées de tous ; mais la chose n’était pas facile dans un monastère, d’autant qu’il existait un homme malheureusement trop animé du désir d’avoir des nouvelles de l’une des deux, et dans l’âme duquel, à la passion et à l’étrange point d’honneur qui s’y faisaient d’abord sentir, était venu se joindre le dépit d’avoir été prévenu et trompé dans ses espérances. Et nous, laissant nos deux femmes dans leur gîte, nous retournerons au château de celui dont nous parlons, à l’heure où il était à attendre le résultat de l’expédition qu’avait préparée sa scélératesse.