Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/351

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que vous m’ayez ainsi appelé au festin de vos grâces, pour que vous m’ayez trouvé digne d’assister à un prodige si plein de douceur ? » En disant ces mots, il tendit la main pour prendre celle de l’Innomé.

« Non ! s’écria celui-ci, non ! Loin de vous un homme tel que moi ! Ne souillez pas cette main pure et bienfaisante. Vous ignorez tout ce qu’a fait celle que vous voulez serrer dans la vôtre.

— Laissez, dit Frédéric, en la lui prenant avec une tendre violence, laissez-moi serrer cette main qui réparera tant de torts, répandra tant de bienfaits, soulagera tant d’affligés, s’étendra désarmée, humble, pacifique, envers tant d’ennemis.

— C’en est trop ! dit en sanglotant l’Innomé. Laissez-moi, monseigneur ; bon Frédéric, laissez-moi. Un peuple en foule vous attend : il y a là tant d’âmes bonnes, innocentes, tant de personnes venues de loin pour vous voir une fois, pour vous entendre, et vous vous arrêtez… avec qui !