Page:Alessandro Manzoni - Les fiancés, trad. Montgrand, 1877.djvu/576

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CHAPITRE XXXVII.


À peine, en effet, Renzo avait-il franchi le seuil du lazaret et pris sa route à droite pour retrouver le sentier d’où le matin il avait abouti sous les remparts, que commencèrent à frapper çà et là de grosses gouttes, rares et vivement lancées, qui, en rejaillissant sur le sol blanc et aride du chemin, soulevaient une fine poussière ; dans l’espace d’un moment elles devinrent plus serrées ; et, avant qu’il fût arrivé au sentier, la pluie tombait à torrents. Renzo, loin d’en être contrarié, s’y baignait avec bonheur ; il jouissait sous cette fraîche aspersion, à ce bruit de l’averse, à ce mouvement des herbes et des feuilles, tremblantes, ruisselantes, reverdies, reluisantes ; des souffles larges, pleins, sonores, s’épanchaient de sa poitrine dilatée ; et, dans cette crise de la nature, il sentait en quelque sorte plus librement et avec plus de vivacité celle qui venait de s’opérer dans son destin.

Mais combien ce sentiment n’eût-il pas été, dans l’âme du jeune homme, encore plus absolu, plus dégagé de tout mélange, s’il eût pu deviner ce qui se vit peu de jours après ; que cette eau emportait la peste, qu’après cette bienfaisante ablution, le lazaret, s’il ne rendait pas aux vivants tous les vivants qu’il contenait, n’en engloutirait du moins pas d’autres ; qu’au bout d’une semaine, on verrait des portes et des boutiques se rouvrir, on ne parlerait plus