geait notre docteur Azzecca-Garbugli, en manteau noir, et avec le nez plus rouge encore qu’à l’ordinaire. Vis-à-vis les deux cousins étaient deux convives obscurs dont notre histoire dit seulement qu’ils ne faisaient autre chose que manger, baisser la tête, sourire et approuver tout ce qui était dit par l’un des convives et n’était pas contredit par un autre.
« Un siège au père, » dit don Rodrigo. Un domestique présenta une chaise sur laquelle s’assit le père Cristoforo en faisant quelques excuses au seigneur du lieu d’être venu à une heure inopportune. « Je désirerais vous parler seul à seul, mais à votre loisir et sans vous déranger, pour une affaire importante, ajouta-t-il ensuite d’une voix plus basse et à l’oreille de don Rodrigo.
— Bien, bien, nous parlerons, répondit celui-ci ; mais, en attendant, qu’on apporte à boire au père. »
Le père voulait s’en défendre ; mais don Rodrigo, élevant la voix au milieu du tapage, qui avait recommencé, s’écria : « Non, parbleu ! vous ne me ferez pas cette injure ; il ne sera pas dit qu’un capucin sorte de cette maison sans avoir goûté de mon vin, pas plus qu’un créancier insolent sans avoir tâté du bois de mes forêts. » Ces paroles excitèrent un rire général et interrompirent pour un moment la question qui s’agitait chaudement parmi les convives. Un domestique portant sur un plateau une bouteille de vin et un long verre en forme de calice, le présenta au père, lequel, ne voulant pas résister à une invitation si pressante de l’homme qu’il avait tant d’intérêt à se rendre favorable, n’hésita pas à laisser remplir le verre, et se mit à boire lentement.
« L’autorité du Tasse ne sert de rien à votre affaire, mon très-honoré podestat ; elle est même contre vous, recommença à crier le comte Attilio ; car cet homme érudit, ce grand homme, qui savait sur le bout du doigt toutes les règles de la chevalerie, a voulu que le messager d’Argant, avant de proposer le défi aux chevaliers chrétiens, en demandât la permission au pieux Bouillon…