faisaient les choses sans façon, et qui étaient arriérés on ne peut plus en ces sortes de matières ? Mais, selon les lois de la chevalerie moderne, qui est la vraie, je dis et je soutiens qu’un messager qui ose mettre un défi dans les mains d’un chevalier sans lui en avoir demandé la permission, est un insolent, violable, très-violable ; bâtonnable, très-bâtonnable…
— Répondez un peu à ce syllogisme.
— Bah ! bah ! bah !
— Mais écoutez, mais écoutez, mais écoutez. Frapper un homme désarmé est un acte déloyal ; atqui le messager de quo était sans armes ; ergo…
— Doucement, doucement, seigneur podestat.
— Comment, doucement ?
— Doucement, vous dis-je ; que venez-vous me conter là ? C’est un acte déloyal de frapper un homme d’un coup d’épée par derrière, ou de lui tirer un coup de fusil dans le dos ; et pour cela même cependant il peut y avoir certains cas… Mais restons dans la question. J’accorde que généralement cela peut s’appeler un acte déloyal ; mais appliquer quatre coups de bâton à un drôle ! Il ferait beau voir qu’on fût tenu de lui dire : Garde à toi, je vais te bâtonner ; comme on dirait à un galant homme, l’épée à la main. — Et vous, très-honoré docteur, au lieu de me sourire pour me faire entendre que vous êtes de mon avis, que ne me soutenez-vous plutôt de votre bonne voix pour m’aider à convaincre ce monsieur ?
— Moi, répondit le docteur un peu confus, je jouis de ce docte débat ; et je sais gré à l’heureux incident qui a fourni l’occasion d’une guerre d’esprit si gracieuse. D’ailleurs, ce n’est pas à moi qu’il appartient de donner un jugement ; son illustrissime seigneurie a déjà délégué un juge… le père que voilà…
— C’est vrai, dit don Rodrigo, mais comment voulez-vous que le juge parle, quand les plaideurs ne veulent pas se taire ?
— Me voilà muet, » dit le comte Attilio. Le podestat serra les lèvres et leva la main, comme pour faire acte de résignation.
« Ah ! béni soit Dieu ! À vous, père, dit don Rodrigo avec un sérieux à demi goguenard.
— J’ai déjà présenté mes excuses en disant que je ne m’y connais pas, répondit frère Cristoforo en rendant le verre à un domestique.
— Maigres excuses, crièrent les deux cousins, nous voulons la sentence.
— En ce cas, reprit le religieux, mon faible avis serait qu’il n’y eût ni défis, ni messagers, ni bastonnades. »
Les convives se regardèrent l’un l’autre d’un air d’étonnement. « Oh ! celle-ci est forte ! dit le comte Attilio. Je vous en demande bien pardon, père, mais elle est forte. On voit que vous ne connaissez pas le monde.
— Lui ? dit don Rodrigo, vous voulez me le faire répéter ; il le connaît, mon cher cousin, tout autant que vous, n’est-ce pas vrai, père ? Dites, dites, si vous n’avez pas fait vos caravanes ?
Au lieu de répondre à cette bienveillante demande, le père se dit tout bas un petit mot à lui-même : — Ceci vient à ton adresse ; mais n’oublie pas, père, que